La commission administrative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a décidé d’organiser des mouvements de protestation contre le blocage des négociations sociales dans le secteur privé, qui comprennent notamment des rassemblements, des grèves sectorielles et régionales, ainsi qu’une grève générale à l’échelle nationale.
Dans une motion publiée hier, l’instance dirigeante de la centrale syndicale a également dénoncé « les tentatives des patrons de renier leur engagement à accorder des majorations salariales aux travailleurs », tout en faisant assumer la responsabilité de la dégradation du climat social à l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et au gouvernement.
Dans ce même cadre, l’UGTT a appelé à la reprise des négociations sociales qui « devraient porter aussi bien sur la majoration des salaires que sur les aspects réglementaires régissant les relations professionnelles ».
L’organisation ouvrière a d’autre part réitéré son appel pour le lancement d’un nouveau round dans le secteur public (fonction publique et entreprises publiques).
Entamé en mai dernier, le nouveau round des négociations sociales dans le secteur privé avait calé d’entrée, en raison d’un désaccord entre l’UGTT et l’UTICA sur les modalités de ces pourparlers bipartites.
Une séance de travail tenue le 23 mai dernier entre des délégations de représentants des deux organisations, sous l’égide du ministre des Affaires sociales Issam Lahmar, a tourné court, suite à l’attachement des patrons à des négociations centralisées, qui aboutiraient à des majorations salariales unifiées couvrant l’ensemble des secteurs d’activité économique, selon le procès-verbal de la réunion rendu public par l’UGTT.
Composée du président de l’organisation Samir Majoul et de quatre membres du Bureau exécutif (Khalil Ghariani, Sami Sellini, Mohamed Koôli, Naceur Jeljeli), la délégation patronale a estimé que des négociations centralisées leur permettraient d’avancer plus vite et de s’accorder sur un taux unique en ce qui concerne la majoration des salaires, estimant que la conjoncture économique actuelle ne permet pas des discussions au niveau sectoriel qui risquent de s’éterniser.
La délégation syndicale, qui comprend cinq secrétaires généraux adjoints de l’UGTT (Taher Mezzi, Hfaeïdh Hfaïed,Othmen Jallouli, Anouar Ben Gaddour, Farouk Ayari), ainsi que l’expert en droit du travail Kamel Omrane, s’est cependant attachée à des négociations au niveau sectoriel pour prendre en considération les spécificités de chaque secteur d’activité en ce qui concerne les taux des augmentations salariales.
Révision du cadre réglementaire
Au regard de ces divergences des points de vue, les deux organisations sont convenues de reporter la séance de travail à une date ultérieure, d’après la centrale syndicale.
Les négociations sociales dans le secteur privé démarrent habituellement avec une réunion du comité central des négociations composé de cinq membres du Bureau exécutif de l’UGTT et d’autant de membres du Bureau exécutif de l’UTICA. Ce comité central devrait plancher sur les modifications à apporter à la convention-cadre conclue entre les deux organisations et fixer les grandes lignes du nouveau round de dialogue social et un calendrier précis qui devrait être respecté par l’ensemble des parties concernées.
La deuxième phase consiste à mettre sur pied des commissions mixtes couvrant les 54 branches d’activités économiques régies par des conventions collectives sectorielles.
Les commissions sectorielles mixtes composées chacune de représentants des salariés et des patrons discutent notamment de majorations salariales adaptées à la situation de chaque branche d’activité.
Ces modalités n’ont pas été cependant respectées à maintes reprises depuis la révolution de 2011, avec la tenue de plusieurs rounds de négociations centralisées qui ont abouti à des majorations salariales unifiées.
Outre des majorations salariales prenant en considération les spécificités et la situation de chaque secteur, l’UGTT s’attache à ce qu’un nouveau round de négociations sociales dans le secteur privé soit marqué par une révision approfondie des législations et des réglementations régissant le monde du travail et les relations professionnelles à la lumière des mutations enregistrées depuis la révolution du 14 janvier, dont les nouvelles dispositions de la Constitution du 25 juillet 2022 et le récent amendement du Code du travail adopté le 20 mai dernier par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
L’organisation ouvrière propose également la révision de la convention-cadre régissant les négociations sociales et les 54 conventions collectives sectorielles pour y intégrer de nouvelles dispositions relatives, entre autres, à l’avancement professionnel, au respect du droit syndical, aux mesures disciplinaires, à la nomination aux fonctions administratives, à la prise en considération de l’expérience professionnelle, aux délais de titularisation et à la durée des stages et des périodes d’essai.
Walid KHEFIFI