La question de l’emploi des jeunes, en particulier des diplômés au chômage, dépasse le cadre économique pour devenir un véritable enjeu de dignité et de justice sociale. C’est ce qui a été mis en exergue au cours de la conférence des directeurs des bureaux d’emploi, qui a été présidée par Riadh Chaouad, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, qui s’est tenue récemment à Tunis afin de présenter les nouveautés concernant l’inscription automatique des jeunes diplômés dans les bureaux d’emploi. Ce qui constitue un processus tendant à mieux faciliter la tâche aux jeunes qui étaient auparavant acculés à faire le tour des bureaux d’emploi dans l’espoir de trouver une opportunité dans leurs domaines. De nouveaux horizons commencent à s’ouvrir désormais devant eux.
Il faut dire que l’emploi des jeunes a été longtemps instrumentalisé à des fins politiques et réduit à un slogan électoraliste utilisé par ceux qui briguaient les sphères du pouvoir. À partir de 2011, sous le régime de la Troïka dont a fait partie le mouvement Ennahdha, les promesses d’insertion, telles que celles formulées dans le cadre du soi-disant « contrat de la dignité », n’ont souvent pas été suivies d’effet. Au contraire, de nombreux jeunes ont été abandonnés à leur sort, certains finissant par céder aux discours extrémistes. Des témoignages concordants, appuyés par des enquêtes, révèlent que des filières de recrutement vers des zones de conflit comme la Syrie ou l’Irak ont été tolérées, voire facilitées, avec parfois l’implication de responsables politiques ou administratifs. Dans ce contexte troublé, les bureaux de l’emploi ont perdu leur vocation première. D’outils publics censés orienter les jeunes vers des opportunités réelles dans le secteur public ou privé, ils sont devenus, aux yeux de nombreux citoyens, des vitrines administratives inefficaces, gangrenées par les pratiques clientélistes, les malversations et la corruption. Cette grave déviation a contribué à démotiver toute une génération, confrontée à l’exclusion, au désespoir, voire à la radicalisation. La perte de confiance envers les institutions s’est aggravée, faisant du chômage des jeunes non plus seulement un problème social, mais un facteur de vulnérabilité nationale.
Lutte contre le travail précaire et fuite des capitaux humains
C’est face à cet état de fait que la nouvelle orientation prônée par le Président de la République Kaïs Saïed, cherche à redonner sens et efficacité à la politique de l’emploi. En recentrant les bureaux d’emploi sur leur mission de service public, en luttant contre les formes d’emploi précaire et en favorisant l’inclusion des jeunes sans discrimination, le Chef de l’État entend rompre avec l’instrumentalisation passée et rétablir une approche fondée sur le droit au travail, la transparence et la dignité. Par ailleurs, la politique actuelle consiste à tout mettre en œuvre afin de maintenir les jeunes compétences. En effet, la fuite des cerveaux est aujourd’hui l’un des symptômes les plus alarmants de la crise de l’emploi en Tunisie, notamment chez les jeunes hautement qualifiés. Le départ massif d’ingénieurs, de médecins et de profils techniques vers l’étranger chiffré par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) à environ 3 000 ingénieurs par an, représente non seulement une perte économique, mais surtout une hémorragie de compétences dont le pays peine à se relever. Face à ce constat, les bureaux de l’emploi avec le ministère de tutelle, dans le cadre d’une stratégie nationale renouvelée, pourraient jouer un rôle clé pour retenir les talents et redonner envie aux jeunes diplômés de construire leur avenir en Tunisie.
Valoriser davantage les compétences
Il est important à cet effet de mieux valoriser les compétences locales et ce, en identifiant les secteurs sous-exploités à fort potentiel et en y orientant les jeunes diplômés à travers des parcours d’accompagnement spécifiques. D’autre part, il convient de lancer des contrats d’intégration professionnelle avec financement partiel par l’État, mais avec un vrai contenu de formation continue et perspectives d’évolution. Sans manquer par ailleurs de créer au sein des bureaux d’emploi des cellules d’appui à la création de startups, en partenariat avec les technopoles et les universités. Ce qui permettrait d’encourager les jeunes à créer en Tunisie ce qu’ils partent chercher ailleurs, en leur facilitant l’accès au financement, au mentorat et aux débouchés. Il est aussi primordial de rendre les bureaux d’emploi plus efficaces, transparents et connectés aux réalités du marché, en recrutant des conseillers qualifiés et en les formant à l’écoute active. Avec des moyens modernes, en lançant par exemple, un portail numérique intégré, entre emploi, formation, offres privées et publiques, pour réduire les délais d’insertion et mettre fin au sentiment de marginalisation. Les bureaux d’emploi cesseront ainsi d’être de simples guichets d’attente et deviendront de véritables moteurs d’espoir et d’intégration socioéconomique, notamment pour la jeunesse diplômée. Redonner confiance, valoriser les compétences, offrir des perspectives concrètes, cette stratégie s’inscrit pleinement dans la politique menée par le Président Kaïs Saïed, qui place l’emploi des jeunes, en particulier des diplômés, au cœur de son projet national. L’objectif est clair : mettre fin à la marginalisation, redonner espoir à une génération désabusée et reconstruire le pays avec ses compétences.
Ahmed NEMLAGHI