Par Slim BEN YOUSSEF
Le blocus de Gaza est une ingénierie du crime, une architecture du néant, un mur de bruits éteints. Le rompre n’est pas une affaire d’États – qui s’épouvantent, tergiversent, ou trahissent. Le briser est une affaire de stature : il faut une levée – non pas des bataillons, mais des consciences. Et cela, seuls les peuples savent le faire ; ceux qui, sans armes, inventent d’autres courages : marcher à mains nues, parler sans tribune, agir sans mandat.
Certes, la caravane Soumoud n’a pas atteint Gaza. Elle n’a pas rompu l’étau. Elle a buté sur les mirages de la géopolitique libyenne. Mais elle est revenue lestée : d’élan, de ferveur et d’épreuve partagée. Son retour fut surtout un commencement. Ce fut, en vérité, une ouverture. À défaut d’avoir pu traverser la frontière, elle a franchi un seuil plus redoutable : celui de l’immobilité, de l’apathie, de l’habitude.
Ils ont arraché ce que nulle chancellerie ne peut imposer : un mouvement. Ralentir n’est pas renoncer. Revenir n’est pas reculer. Cette caravane est une mémoire sans adresse, un entêtement fertile, une promesse qui chemine.
Une semence en marche ? Elle est dans ce qu’elle transporte : des espérances vivantes, des colères debout, des graines d’avenir jetées en terrain hostile.
Ils étaient quelques milliers. Demain, ils seront peut-être des millions. Car les peuples poussent comme les graines : dans l’épaisseur des mémoires têtues et des silences fidèles.
Qu’est-ce que la graine ? Une tradition sans âge, une espérance obstinée, une blessure fondatrice. C’est une présence qui perdure – qui féconde – malgré l’interruption. Un murmure têtu contre la résignation.
Elle habite une pastèque éclatée sur l’asphalte, une main qui serre un drapeau, une route qui n’existe que par ceux qui l’inventent. Elle est un souvenir de terre – du fleuve jusqu’à la mer. Elle en est le rêve ancien, le projet ébauché, et – un jour peut-être – la revanche.
Résister, c’est édifier l’impossible. Semer là où rien ne pousse. Élever là où tout s’effondre. Recommencer là où tout échoue. Revenir là où l’on fut chassé.
Soumoud 2.0 ne sera ni redite, ni retour, ni rituel. Elle sera ce que la première a préparé : une voix plus large, un pas plus sûr, une audace mieux enracinée. Ce sera une réplique – au monde, à l’Histoire, à l’oubli. Pour dire que Gaza n’est pas seule. Que nous ne sommes plus dispersés.
Gaza vivra. Et dans cette vie qui insiste, c’est nous qui persisterons.