Le Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple a annoncé, jeudi, avoir soumis à la commission de législation générale et à la commission de l’éducation et de la formation professionnelle un projet de loi criminalisant les agressions contre le personnel des établissements éducatifs.
Le texte proposé par onze députés consiste en un amendement de l’article 2018 du Code pénal qui prévoit l’ajout d’un nouveau paragraphe stipulant que tout individu qui, volontairement, fait des blessures, porte des coups, ou commet toute autre violence ou voie de fait est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de cinq mille dinars (5000d), si la victime fait partie du personnel appartenant aux corps de métier relevant du secteur de l’éducation et de l’enseignement.
Ces peines sont plus lourdes que celles prévues contre les personnes ordinaires. Dans sa formule actuelle, l’article 218 du Code pénal stipule que « tout individu qui, volontairement, fait des blessures, porte des coups, ou commet toute autre violence ou voie de fait est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de mille dinars (1000d) ». La peine est de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de deux (2) mille dinars, si la victime est un enfant, l’auteur est un ascendant ou descendant de la victime quelqu’en soit le degré, l’auteur a une autorité sur la victime ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, l’auteur est l’un des conjoints, ex-conjoints, fiancés ou ex-fiancés, l’infraction commise est facilitée par la situation de vulnérabilité apparente de la victime ou connue par l’auteur, la victime est un témoin, une personne lésée ou une partie civile, et ce, soit pour l’empêcher de faire sa déposition, de dénoncer l’infraction ou de porter plainte, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition.
S’il y a eu préméditation, la peine est de trois ans d’emprisonnement et de trois mille dinars (3000d) d’amende. La tentative est punissable.
Les députés à l’origine de la proposition de loi ont expliqué que les peines plus lourdes prévues en cas de violences physiques ou verbales et d’outrage contre le personnel de l’éducation comparativement à celles commises contre des personnes ordinaires visent à protéger l’école de la République et le personnel qui y travaille. Ils ont également fait état d’une forte augmentation des violences ciblant les enseignants et les catégories de personnel exerçant dans les établissements éducatifs tels que les surveillants et les agents exerçant au niveau des administrations.
Selon une étude sur « la violence en milieu scolaire », qui a été publiée en avril 2024 par la Commission de l’éducation et de l’enseignement en collaboration avec l’Association internationale de défense des droits de l’homme et des médias (AIDDHM), la Tunisie a enregistré plus de 21 000 signalements de violences physiques et verbales contre des enseignants entre début 2011 et fin 2023 dans les écoles primaires, les collèges et les lycées secondaires. Sur ces signalements, 312 actes de violences ciblant les éducateurs ont été considérés comme étant « dangereux ».
La répartition géographique de ces signalements d’agressions montre que les quatre gouvernorats du Grand Tunis (Tunis, Ben Arous, l’Ariana et la Manouba) tiennent le haut du pavé, devant Kairouan, Sfax, Sousse et Nabeul.
Les syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignements secondaires rattachés à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) estiment, quant à eux, que les chiffres sont beaucoup plus élevés étant donné qu’un nombre important d’enseignants refusent de dénoncer les agressions dont elles sont victimes par pudeur sociale ou par craintes de représailles. Ces syndicats réclament depuis plusieurs années la promulgation d’une loi criminalisant toutes les formes d’agression contre les enseignants et le lancement d’un dialogue national sur la réforme de l’enseignement pour redonner à l’école son aura d’antan.
Walid KHEFIFI