Permettre à chaque citoyen d’accéder à un logement décent constitue l’un des piliers fondamentaux d’une politique de justice sociale digne de ce nom. Dans ce cadre, Hechmi Miliani, trésorier de la Chambre syndicale des promoteurs immobiliers, a récemment proposé, lors d’une intervention sur les ondes d’une radio de la place, de généraliser le système de location-vente. Ce mécanisme permettrait à toutes les catégories sociales d’accéder progressivement à la propriété, en commençant comme locataires. Il a également souligné l’importance d’un soutien accru du Fonds de Promotion du Logement pour les salariés (FOPROLOS), afin d’accompagner cette démarche et de garantir son efficacité.
Le logement ne se réduit pas à un simple toit. Il représente un facteur clé de stabilité personnelle et familiale, une condition indispensable pour vivre dans la dignité, se projeter dans l’avenir, et exercer sereinement ses activités économiques, sociales et éducatives. En Tunisie, la question du logement a longtemps figuré parmi les priorités des politiques publiques. Des programmes d’accès à la propriété, des lotissements populaires ou encore de logements sociaux ont été mis en place dès les premières décennies de l’indépendance. Toutefois, malgré ces efforts, les politiques de l’habitat se sont progressivement heurtées à plusieurs défis majeurs : la forte croissance démographique, l’exode rural, l’urbanisation accélérée, ainsi que la dégradation du pouvoir d’achat et l’instabilité économique de ces dernières années. Ces facteurs combinés ont contribué à l’émergence d’une crise du logement qui se manifeste par une pénurie de logements abordables, l’extension des quartiers informels, et un endettement croissant des familles.
La location-vente un moyen efficace d’accéder à la propriété
Aujourd’hui, repenser la politique de logement dans une vision de justice sociale implique non seulement des investissements publics adaptés, mais aussi une réforme du foncier, une régulation du marché immobilier et un accompagnement ciblé des populations vulnérables. Le Président de la République, Kaïs Saïed, a récemment réaffirmé l’importance du secteur du logement social, en mettant en avant la formule de la location-vente comme l’une des solutions les plus efficaces pour permettre aux locataires d’accéder à la propriété. Ce mécanisme, accessible et progressif, constitue une réponse concrète à la crise du logement qui pèse lourdement sur de nombreux Tunisiens. Autrefois, la pénurie de logements était au cœur de cette crise. Aujourd’hui, le principal obstacle réside plutôt dans la flambée des prix de l’immobilier, flambée devenue largement déconnectée du pouvoir d’achat des citoyens. Cette hausse continue des prix s’explique non seulement par les déséquilibres économiques, mais aussi par des pratiques spéculatives et frauduleuses qui ont gangrené le secteur durant l’ancien régime et au cours de la dernière décennie. Des lobbies immobiliers puissants ont contribué à faire du secteur un terrain propice au blanchiment d’argent, en injectant des fonds aux origines douteuses dans des projets immobiliers, contribuant ainsi à une inflation artificielle des prix. Ce phénomène a permis à certains de dissimuler des fortunes illicites derrière des façades de respectabilité, tout en excluant les couches modestes de l’accès à la propriété.
Faciliter l’accès au logement aux familles modestes
Dans le contexte actuel de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, engagée depuis le 25 juillet 2021, une nouvelle ère s’ouvre pour le marché immobilier. Kaïs Saïed a insisté sur l’importance d’établir l’équité dans l’accès au logement, affirmant que désormais, tous les citoyens seront égaux devant la loi et auront, sans passe-droits ni privilèges, la possibilité d’acquérir un logement digne. Meliani propose pour cela le moyen d’obtention d’un crédit dont une partie sera prise en charge par ledit fonds. Les citoyens paient en moyenne un loyer de 600 dinars. Ce loyer sera payé dans le cadre d’un contrat de location en vue d’acquisition d’un domicile dont la valeur est de 200.000 dinars, et par rapport auquel, le loyer est normalement de 700 à 750 dinars. Le programme pour l’acquisition d’un premier logement, a été défaillant car il n’a pas été bien étudié. Miliani parle d’une défaillance du projet estimant que la question du remboursement n’avait pas été bien étudiée. Seulement 70 millions de dinars ont été versés à des citoyens depuis 2017 dans le cadre de ce programme, a-t-il précisé. Pour y remédier, le programme du premier logement, adossé au FOPROLOS (Fonds de Promotion du Logement pour les Salariés), a été lancé en 2017 avec l’ambition de soutenir les familles modestes et de la classe moyenne. Pourtant, sur les 200 millions de dinars prévus jusqu’à fin 2024, seuls 70 millions ont été effectivement débloqués.
Derrière cette sous-exécution, se cache un enchevêtrement de problèmes administratifs, financiers et politiques. Les causes de la défaillance évoquée par Miliani, résident notamment dans les lourdeurs administratives, les coûts de crédits élevés et surtout la spéculation et la corruption avec des abus dans la filière immobilière, des pratiques de blanchiment d’argent et une flambée injustifiée des prix aggravant davantage la situation. Les solutions sont dans l’allègement des procédures, l’assouplissement des critères d’accès, la lutte contre la spéculation, en renforçant les contrôles sur les transactions immobilières, en taxant les logements vacants et en encadrant les marges des promoteurs. Par ailleurs, l’État pourrait lancer un programme massif de logements à coûts modérés, en partenariat avec les collectivités locales. Le droit au logement ne peut être un privilège réservé à une minorité. Il est urgent de corriger les défaillances du FOPROLOS et de redéfinir une politique nationale de l’habitat fondée sur l’accès à la propriété pour tous. En rétablissant la confiance des citoyens et en régulant un marché immobilier longtemps abandonné à la spéculation, la Tunisie peut poser les fondations d’une société plus équitable, plus stable et plus prospère. Un modèle repensé d’accès au logement, notamment pour les salariés, contribuerait à renforcer cette dynamique. En rétablissant la confiance des citoyens et en régulant un marché immobilier longtemps abandonné à la spéculation, la Tunisie peut poser les fondations d’une société plus équitable, plus stable et plus prospère. Un modèle repensé d’accès au logement, notamment pour les salariés, contribuerait à renforcer cette dynamique. Il s’inscrit pleinement dans la vision de justice sociale que ne cesse de promouvoir le Président de la République.
Ahmed NEMLAGHI
Légende : On attend plus du FOPROLOS